Les trois régions sont aujourd'hui unanimement favorables au lancement de ce système dès 2025, mais il reste encore du travail avant cette introduction. Dans cet article, nous faisons le point sur les avancées des régions sur la voie de la consigne pour 2025.
14 septembre 2023 Chloé SchwizgebelIl y a un an, le 6 septembre 2022, la ministre flamande de l’environnement Zuhal Demir déclarait sur Tafel van Vier que « la consigne est inévitable ».
Les trois régions sont aujourd’hui unanimement favorables au lancement de ce système dès 2025, mais il reste encore du travail avant cette introduction.
Dans cet article, nous faisons le point sur les avancées des régions sur la voie de la consigne pour 2025. Quelles sont les évaluations en cours ? Qu’en est-il de la consigne classique par rapport à la consigne numérique ? Quels sont les éléments essentiels d’une bonne législtation et quels sont les écueils qui subsistent sur la voie d’un système de consigne efficace et accessible pour les consommateurs ?
La Wallonie, Bruxelles et la Flandre veulent toutes introduire la consigne pour 2025, mais ont emprunté une voie différente pour y parvenir :
Les évolutions en Belgique donnent donc bon espoir qu’une consigne verra bien le jour en 2025 sur les canettes et bouteilles. Ces avancées sont d’ailleurs alignées avec la voie prise par l’Union Européenne. Selon la direction du règlement Emballage et Déchets d’Emballages (PPWR), les pays membres devront mettre en place un système de consigne pour les canettes et bouteilles en plastique d’ici à 2029, à moins d’atteindre des taux de collecte sélective pour ces emballages de 90% dès 2026 et 2027. Aucun pays n’y parvient sans la consigne.
La consigne est l’une des mesures environnementales les plus populaires. Depuis 2021, des pétitions en faveur de la consigne ont été signées en masse et ont conduit à des auditions parlementaires à Bruxelles (CCB, Mars 2021), en Wallonie (Régine Florent, Mai 2021) et en Flandre (Canal It Up, Octobre 2022).
Le soutien à la consigne est également perceptible dans les enquêtes menées auprès de la population. Une enquête GFK de 2018 a montré que 82 % des Belges souhaitaient des consignes sur les bouteilles en plastique et les boîtes de conserve. En outre, le soutien s’accroît. Alors qu’une enquête menée par Testachats en 2017 a révélé que 66 % des personnes interrogées étaient favorables à la consigne, ce chiffre est passé à 74 % lors d’une deuxième enquête menée par Testachats en 2021. Sans oublier l’Alliance pour la Consigne, qui n’a cessé de grandir depuis sa création en 2017 par seulement 22 membres. En 2018, l’Alliance réunissait déjà 500 membres et compte aujourd’hui plus de 1300 membres, parmi lesquels 62% des villes et communes belges.
Credit photo: LovelyDay12
Bien que des progrès notables aient été réalisés, nous identifions également plusieurs points d’attention pour introduire la consigne. Par exemple, la Flandre n’a pas encore pris de position définitive sur le type de système de dépôt, l’industrie fait pression contre l’introduction d’un système de consigne classique et les élections sont prévues pour le 9 juin 2024.
‘Uu système de consigne est inévitable’ selon Zuhal Demir (Tafel van Vier, 6 septembre 2022), mais tandis que les deux autres régions ont opté pour un système de consigne « classique », la Flandre n’a pas encore décidé quel type de système de consigne elle souhaite mettre en place. Sous la pression de l’industrie, qui réclame l’introduction d’une « consigne numérique » depuis septembre 2022, la ministre Zuhal Demir a donné à Fost Plus, Comeos et Fevia jusqu’à la fin du mois d’octobre 2023 pour prouver le fonctionnement de la consigne numérique par le biais de projets pilotes.
Au niveau politique, les partis d’opposition Groen et Vooruit se positionnent en faveur de la consigne classique. Au sein même de la coalition, le CD&V est en faveur de la consigne et se montre très sceptique face à la proposition de l’industrie. Le N-VA, parti de la ministre de l’environnement, est également en faveur de la consigne, mais ne se positionne pas sur le système privilégié. Open-VLD soutient sur l’idée d’une consigne numérique.
La plupart des Flamands, des organisations environnementales, agricoles et 70% des villes et communes flamandes restent quant à elles en faveur de la consigne classique. Et la position des villes et communes est essentielle, puisqu’ils nettoient les bouteilles et canettes qui finissent dans la nature et auraient un rôle majeur dans le scénario d’une consigne numérique. Elles seraient en effet responsables de placer des dizaines de milliers de ‘poubelles publiques bleues’ supplémentaires et devraient potentiellement distribuer à leurs citoyens des ‘scanners à domicile’ (PwC, 2022).
Credit photo: Saskia Risseeuw
Les fédérations de producteurs et supermarchés belges (Fevia, Comeos) s’opposent fermement depuis des années à la consigne, tout comme Fost Plus qui organise la collecte des emballages pour le compte de ces fédérations. Ce n’est que depuis Septembre 2022 – au moment où la ministre flamande a annoncé que la décision était imminente en Flandre – que le secteur a commencé à montrer son soutien à la consigne.
En tant qu’organisation de collecte des déchets au nom des producteurs et des supermarchés, Fost Plus s’en tient au sac bleu pour la collecte des bouteilles en plastique et des canettes et ne souhaite pas que ces matériaux précieux soient collectés d’une autre manière. En particulier, Comeos, le lobby représentant les supermarchés, est fortement opposé à la consigne. En effet, Colruyt préfère ne pas être responsable de la collecte des bouteilles en plastique et des canettes et ne pas payer de consigne à ses clients. Dans d’autres pays comme les Pays-Bas et le Royaume-Uni, le lobby des supermarchés joue également un rôle important dans l’échec de l’introduction des consignes.
Les fédérations concernées proposent désormais d’introduire une « consigne numérique » dans laquelle la collecte se fait toujours via le sac bleu et via des poubelles sélectives dans l’espace public pour les emballages consommés ‘on-the-go’. Contrairement à la consigne classique « Return-to-retail » – utilisée dans la quasi-totalité des pays européens – ce système reste une idée dont le succès est loin d’être prouvé. Il suscite de nombreuses interrogations parmi les politiciens, les associations de consommateurs et les ONG environnementales.
La fédération des fabricants de canettes du Benelux (Beverage Can Benelux) s’oppose néanmoins à la consigne numérique. Dans sa prise de position, la fédération affirme que le codage unique requis pour la consigne numérique n’est pas encore techniquement possible et que le meilleur moyen de garantir un recyclage de haute qualité des matériaux est de recourir à la consigne classique.
En raison des grandes incertitudes entourant la consigne numérique et l’importance de mettre en œuvre un système opérationnel et performant en 2025, nous avons demandé au bureau d’étude Eunomia, spécialisé dans l’économie circulaire et les systèmes de gestion des déchets, d’évaluer la proposition de consigne numérique. Le rapport final est prévu pour septembre-octobre.
Pour que la consigne soit introduite au niveau national, un accord doit être trouvé entre les trois régions. En effet, une grande partie de la politique belge en matière d’emballages se décide au niveau interrégional. Deux types d’accords sont aujourd’hui importants :
Tous les cinq ans, une organisation de producteurs d’emballages (en l’occurrence Fost Plus pour les emballages ménagers en Belgique) est reconnue en tant que partie chargée de remplir, au nom des producteurs, les obligations légales relatives à la collecte et à l’amélioration de la durabilité des emballages. La consigne joue naturellement un rôle à cet égard.
Le renouvellement de l’agrément de Fost Plus à la fin de 2023 – pour une durée de cinq ans – est une opportunité pour ancrer la volonté politique d’introduire une consigne opérationnelle en 2025. Ce renouvellement est octroyé par l’organe de décision de la Commission Interrégionale Emballage (CIE), composé de membres nommés par les trois régions (Chap. V, art 23, §3 de l’ACI).
Fost Plus devait faire une proposition en juin-juillet (suivant les règles prescrites par l’ACI) sur le contenu du futur agrément concernant différents ses futurs objectifs en termes de prévention, réemploi, recyclage – par exemple concernant une consigne sur les canettes et bouteilles en plastique. Cela pour permettre une décision en décembre 2023 par la CIE (ACI Emballage, Art. 10, §3).
À l’heure actuelle, aucune information n’est partagée sur le détail des discussions. Selon nous, cela est problématique, compte tenu de l’importance de cet agrément pour l’ensemble des acteurs belges impactés par cet agrément : recycleurs, intercommunales mais également villes et communes et citoyens. Cette absence de transparence est d’autant plus problématique compte tenu des doutes sur la transparence et la position monopolistique de Fost Plus (Apache, 2021). Puisque l’agrément court sur cinq ans, il doit non seulement être en ligne avec les politiques nationales, mais également suivre les ambitions européennes vers une économie circulaire d’ici à 2030.
Nous demandons donc une plus grande transparence et l’implication des parties prenantes concernées pour le renouvellement de cet agrément.
Fotocredit: Frimufilms
L’Accord de Coopération Interrégional (ACI) sur les emballages, est un document essentiel – régi par la Commission Interrégionale de l’Emballage (CIE) – qui donne la direction du système de collecte des emballages (ménagers) en Belgique. Il a été établi en 2008 et modifié pour la dernière fois en 2020. L’ACI encadre entre autres les systèmes de collecte des déchets et ses évolutions, comme l’élargissement du sac bleu. Il établit l’octroi des agréments des PRO emballages (comme Fost Plus), leur contrôle et financement. Cet accord fixe également des objectifs spécifiques en termes de prévention, de collecte et de recyclage, sur le territoire belge. Le renouvellement de cet accord – tout comme l’agrément de Fost Plus – requiert la collaboration des trois régions.
L’ACI emballage doit être modifié pour ancrer de manière légale le système de consigne. Mais l’adaptation de l’ACI est plus longue que celle de l’agrément. Compter uniquement sur l’ACI Emballages pour introduire la consigne risque de retarder la prise de décision et donc rendre l’objectif d’une consigne opérationnelle en 2025 plus difficile à atteindre.
De plus, ces deux voies sont complémentaires : tandis que l’agrément de Fost Plus donne la direction des producteurs pour les cinq prochaines années en termes de prévention, réemploi et recyclage, l’ACI porte davantage sur les engagements pris par les trois régions en matière de gestion des emballages et déchets d’emballages. Ensemble, ces documents peuvent former la base d’un système de consigne solide dans lequel acteurs publics et privés prévoient la direction de leurs politiques d’emballages.
Ces dernières années, les exemples de systèmes de consigne se sont multipliés chez nos voisins. Pas moins de 14 pays en Europe ont une consigne sur leurs canettes et bouteilles, et aux Pays-Bas, le nombre de bouteilles en plastique dans les déchets sauvages a diminué de 80 %. Cela nous permet de voir ce qui fonctionne – et ce qui ne fonctionne pas.
Cinq éléments essentiels d’une législation réussie sur la consigne