Le gouvernement flamand a décidé avant Noël d'introduire la consigne sur les bouteilles en plastique et canettes d'ici 2025, en concertation avec les deux autres régions. L'industrie belge promeut une "consigne numérique" comme alternative au système de consigne classique. Nous analysons les deux systèmes.
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Le gouvernement flamand a décidé, juste avant Noël, d’introduire une consigne sur les bouteilles en plastique et les canettes en 2025, en concertation avec les deux autres régions. L’industrie belge de l’emballage promeut un système de consigne « numérique » comme alternative au système classique de consigne où l’on récupère de l’argent dans les supermarchés et autres points de vente. L’organisation environnementale Recycling Netwerk Benelux compare les deux systèmes.
Le ministre de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA) a pris l’initiative d’introduire un système de consigne sur toutes les bouteilles et canettes en plastique d’ici 2025. Elle a pris cette décision lorsque les chiffres de l’OVAM ont montré que 18,171 tonnes de déchets sauvages doivent encore être nettoyées en Flandre chaque année.
Fin décembre, le gouvernement flamand a donné à l’industrie de l’emballage belge un délai pour tester leur proposition de consigne numérique via des projets pilotes. Avec cette consigne numérique, deux codes par emballage consigné devraient être scannés avant de pouvoir les jeter dans le sac bleu à la maison ou dans des « poubelles bleues publiques ». La ministre a demandé à ce que l’évaluation de ce système soit faite d’ici la fin 2023.
L’objectif final est d’introduire la consigne sur les bouteilles et les canettes en 2025 avec un système qui soit non seulement techniquement réalisable mais aussi accessible à tous. Ce système devra également efficacement réduire radicalement les déchets sauvages et promouvoir un recyclage de haute qualité des matériaux collectés.
La ministre de l’environnement Zuhal Demir (N-VA) a expliqué que, si le système numérique ne prouve pas être supérieur à un système de consigne classique, c’est ce système classique, avec retour en point de vente, qui sera introduit. Avec ce système, les consommateurs récupèrent leur consigne lorsqu’ils rapportent leurs canettes et bouteilles vides en points de vente. L’OVAM a confirmé les dires de la ministre dans son appel aux entreprises souhaitant jouer un rôle dans la mise en place du système.
Un système de consigne numérique n’a encore jamais été mis en place dans le monde. Il n’y a pas d’exemple pratique pour savoir si et comment il fonctionnerait. Il n’y a pas non plus de données empiriques démontrant que ce système pourrait permettre d’obtenir les mêmes résultats que la consigne classique. Il existe peu d’études sur le sujet, dont l’étude « Every Packaging Counts – DDRS Blueprint » que l’industrie belge de l’emballage a commandée à PricewaterhouseCoopers (PwC).
Cette étude a été livrée à l’industrie de l’emballage à la fin du mois de septembre 2022. Cette dernière l’a alors gardée secrète. Ce n’est qu’après la décision d’introduction du gouvernement et sous la pression de l’opposition et des médias que la ministre Demir a fait en sorte que l’étude soit rendue publique, le 13 janvier 2023, trois semaines après la décision du gouvernement flamand.
Nous avons analysé cette étude sur la consigne numérique. L’industrie de l’emballage a demandé au bureau de conseil PwC de produire une étude qui pourrait « servir d’argument clair et chiffré expliquant pourquoi cette approche est meilleure que le système de consigne classique ». C’est pourquoi nous portons également un regard critique sur l’étude, en soulignant ses limites et les questions qui doivent toujours être résolues.
Notre analyse présente les deux systèmes, y compris leurs coûts respectifs et leur planning de mise en place. Nous posons la question de savoir si ce système numérique peut être aussi efficace que le système classique en termes de réduction des déchets, de taux de retour de matériaux de haute qualité et du potentiel de réemploi. Pour l’essentiel, l’étude PwC ne prouve pas que l’introduction d’une consigne numérique est réalisable à l’horizon 2025 (au contraire). L’étude PwC ne démontre pas non plus que le système de scan permettrait de réduire efficacement les déchets sauvages (ce que la consigne classique a prouvé).
D’une part, notre analyse met en avant les nombreux risques pour les consommateurs: exclusion des personnes qui n’ont pas accès à Internet , ou à un compte en banque. Seulement la moitié de la population belge dispose des compétences numériques nécessaires. La nécessité de partager des données personnelles, les risques de fraudes ou de mauvaise utilisation du système sont également problématiques pour les utilisateurs. Ces obstacles mettent en danger l’adhésion au système, et donc son succès.
Plus largement, notre analyse souligne que la consigne numérique ne répond pas aux objectifs d’amélioration de la qualité du recyclage, ou d’alignement avec les standards européens vers le réemploi. Cela est très problématique car l’Europe prévoit une évolution rapide vers une économie plus circulaire au niveau européen. L’impact sur les déchets sauvages, n’est pas non plus démontré. Cela alors que, la lutte contre les déchets sauvages était le point de départ de la ministre Zuhal Demir quand elle a annoncé le système de consigne
L’étude PWC montre finalement qu’un système numérique nécessiterait une contribution importante des municipalités belges. Que ce soit pour la mise en place de plus de 136 000 poubelles publiques supplémentaires ou la gestion éventuelle de home-scanners pour les ménages.
Notre analyse montre que la faisabilité du système numérique est loin d’être prouvée. Par conséquent, il est irréaliste de penser que la consigne numérique pourrait être lancée dans le temps imparti, c’est-à-dire pour une introduction en 2025. De nombreux éléments doivent encore être mis au point : L’analyse coûts-avantages manque de données et comporte des calculs incorrects, et la couche de gouvernance de l’étude est absente.
Plus inquiétant encore, l’étude de PwC ne démontre pas que le système numérique permettrait d’atteindre les objectifs visés, à savoir la réduction des déchets sauvages et l’amélioration de la qualité du recyclage. Pourquoi mettre en place un système numérique dont l’efficacité n’est pas prouvée ? Surtout quand le système traditionnel fonctionne et est mis en place dans toute une série de pays européens.
Enfin, ce système ne semble pas être accessible à tous les consommateurs et fait peser une charge financière et organisationnelle inutile sur les municipalités.
Le détail des éléments cités ci-dessus est à retrouver dans notre analyse complète ici.